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Il était une fois, dans un pays lointain, un petit garçon levait de grands yeux tristes vers les cieux. Il retrouva rapidement les trois étoiles alignées qu’il aimait tant. Elles brillaient tellement fort, étaient si belles. Elles semblaient ne regarder que lui sur toute la Terre. Alors il renifla un bon coup pour chasser son chagrin et s’essuya les yeux de ses larmes. Il contempla pendant un long moment la trinité stellaire sans pouvoir se décider sur sa préférée. Elles étaient si différentes des lumières terrestres qu’il voyait toutes les nuits. Courtes pulsations de lumière rouge orangée accompagnées d’un bruit assourdissant et qui faisaient trembler la terre et tomber les immeubles de sa ville. Les lumières du ciel étaient si douces, si fragiles dans leur petitesse et pourtant si fortes dans leur longévité. Il promena son regard sur les alentours, distinguant des halos lumineux par endroits, passant sur les étoiles de moindre luminosité et mémorisa la majestueuse complexité de la voûte céleste. Juste au dessous de l’alignement, il aperçut un petit point de lumière qui semblait scintiller doucement. Le petit garçon ria aux éclats et tendit sa petite main en direction de cette étoile clignotante. Il sauta et fit semblant d’essayer d’attraper l’étoile dans son poing et rit de plus belle. L’étoile continuait de lui adresser ses clins d’œil réguliers. Le petit garçon joua encore quelques instants avec son étoile. Puis, avant d’aller se coucher, il lança dans l’espace interstellaire un sourire éclatant, message universel d’amitié.

Le lendemain, le petit garçon chercha à nouveau sa nouvelle amie. L’espace d’un court instant de panique, il eu peur qu’elle ait disparu. Puis il décala son regard un peu plus bas qu’il ne se souvenait et il retrouva enfin le scintillement familier. « Bonjour » pensa-t-il, « tu veux bien jouer avec moi ? » Le petit garçon avait bien réfléchi à sa demande. Au début, il voulait demander à l’étoile de lui dessiner un mouton. Il avait fini par revenir sur cette idée après 2 heures de débat intérieur. Il ne savait lui-même pas très bien à quoi ressemblait un mouton et avait peur que l’étoile ne le voit. Et de toute façon, il ne savait même pas d’où lui venait cette histoire de mouton. Il s’était donc demandé quel était son souhait le plus cher et c’est comme ça qu’il avait demandé à l’étoile si elle accepterait de jouer avec lui. Il attendit la réponse de l’étoile, son petit cœur battant une chamade endiablée, mais l’étoile ne scintillait plus depuis quelques instants. Tout à coup, deux clignements vinrent lui donner un peu d’espoir. Puis, une nouvelle pause, le petit garçon retint son souffle tant et si bien que son petit visage devint tout cramoisi. Et enfin la libération, un enchainement rapide de scintillements désordonnés. La joie du petit garçon explosa. Il savait, même si il ne comprenait pas encore très bien le langage des étoiles, que l’astre lui avait répondu oui. Le petit garçon sautait de joie et riait comme un petit fou. Il trébucha. Son genou heurta un bloc de béton qui avait été propulsé au milieu de la rue. Le petit garçon, hurla de douleur et instantanément, tourna son regard vers l’étoile, à la recherche du réconfort que seuls les vrais amis peuvent apporter. Elle scintillait follement, comme pleine d’inquiétude pour son jeune ami. Le petit garçon sourit, écrasa la larme qui lui coulait sur la joue, écarta la mèche de cheveux qui lui était tombée dans les yeux et se releva pour continuer à jouer.

Les nuits de jeux s’enchainèrent ensuite, à gambader dans les terrains vagues au milieu des gravats d’une de ces villes qui préfèrent voir les murs des immeubles répandus en obstacles dans les rues plutôt qu’en quadrilatères s’élevant vers le ciel, faisant ainsi obstacle au vent et bouchant la vue de l’horizon. Le petit garçon avait à sa disposition un immense terrain de jeux, pleins d’obstacles en béton armé, de toboggans improvisés et de trous dans la chaussée. Autant de pièges qu’il évitait avec allégresse depuis que sa nouvelle amie veillait sur lui. De temps en temps, un bruit assourdissant faisait trembler la terre, ou une boule de feu illuminait le ciel et le petit garçon perdait momentanément de vue le scintillement rassurant de l’astre nocturne. Mais rapidement il fut capable de retrouver son amie en deux coups d’œil. Les saisons passèrent au milieu des décombres. Chaque nuit, l’étoile se levait un peu plus proche de l’horizon et inexorablement, sa veille nocturne se faisait de plus en plus courte. L’arc de son chemin dans le ciel de nuit rétrécissait jusqu’à ce qu’un jour, elle n’apparut plus. Tous les soirs, pendant un long mois le petit garçon chercha le scintillement familier. Mais son étoile n’apparaissait plus. Lorsqu’enfin il pensa reconnaitre une nuit deux des trois étoiles du brillant alignement, il reprit espoir. Le lendemain effectivement, la trinité stellaire refit une brève apparition au dessus de l’horizon et le surlendemain, enfin, son amie revint jouer avec lui.

Le petit garçon apprit alors à suivre le cheminement de l’étoile dans le ciel. Il remarqua qu’elle faisait un cercle autour d’un point du ciel et que ce cercle l’emmenait au-dessous de l’horizon. Il apprit à calculer la position de l’étoile même lorsqu’elle n’était pas visible. L’année suivante, lorsqu’elle disparut, le petit garçon s’endormit tranquillement. Il savait qu’elle reviendrait dans un mois. Et, ainsi qu’il l’avait pensé, un mois plus tard, elle réapparu exactement où il l’avait prédit. Tout heureux de sa trouvaille, le petit garçon se mit à jouer avec son étoile même lorsque celle-ci passait sous l’horizon. Et il joua, joua, toujours avec la même étoile, à peine perturbé par le chaos du monde qui l’entourait. Tel un lointain cousin de Gavroche, le petit garçon jouait sous les pluies de missiles, d’explosions, sautait par-dessus les mines, se faufilait entre les barbelés en innocent. Ne comptant que sur sa bonne étoile.

A des milliards de milliards de très très loin de la Terre, l’étoile souriait. Bien sûr, comme elle n’a pas de bouche, son sourire ne se voyait pas. Mais il se ressentait. L’étoile envoyait une onde chaleureuse et de bonne humeur dans toutes les directions de l’espace. Elle ressentait toutes les émotions que le petit garçon lui envoyait. Et cela lui avait redonné chaleur et confiance en elle. Surtout elle ne cessait d’être émerveillée par les coïncidences. En effet, l’étoile savait que la lumière que le petit garçon voyait sur Terre avait été envoyée par elle il y a très très longtemps. Ce que le petit garçon recevait comme image n’était pas une réponse à ses questions. Elle fit rapidement le calcul et se rendit compte que ce qui parvenait sur Terre correspondait à la naissance de l’étoile. Et pourtant, en déchiffrant les messages du petit cœur du garçon, l’étoile savait que ces anciennes images étaient exactement celles qu’elle aurait aimé envoyer. Elle savait tout ça, car si tout ce qui est matériel comme la lumière voyage très lentement à travers les immensités de l’espace, les émotions n’ont pas ce problème. C’est parce que les émotions font vibrer le tissu même de l’univers. Ce tissu dans lequel les trous noirs eux-mêmes doivent creuser leur puits gravitationnel, ce tissu transmet instantanément toutes les émotions. Dans tous les plis et les replis de l’univers, ceux qui savent sentir vibrer ce tissu sont au courant de chaque larme, de tous les rires, des tremblements de peur et des soupirs de soulagement au moment même où ceux-ci sont émis.

Elle ressentit donc toute la joie qu’il y avait dans le tout premier sourire que le petit garçon lui avait adressé, tout l’espoir qu’il avait envoyé avec sa demande d’amitié. Elle avait même ressenti sa crainte et son désespoir lorsqu’elle avait disparu du ciel nocturne. Et elle se persuadait que le petit garçon ressentait inconsciemment toutes les émotions qu’elle-même envoyait dans sa direction. Sinon comment expliquer son interprétation des signaux envoyés en des temps si anciens. L’étoile lui envoyait toute son affection et elle espérait que cela suffirait à réchauffer et à protéger le petit garçon pendant les longues nuits. Elle était si heureuse, enfin elle avait une personne qui s’intéressait à elle. Il faut dire que la plupart de ses amies étoiles avaient déjà été admirées par des centaines voire des milliers de garçons et de filles de tous les âges et de tous temps. Mais pour l’étoile, le petit garçon était le premier et elle avait bien l’intention de tout faire pour qu’il soit heureux. Elle était si excitée, pour la première fois depuis sa naissance, elle allait pouvoir faire fonctionner sa machine à rêves.

Elle fit l’inventaire de ce qu’elle avait à sa disposition. En partant de l’extérieur, au plus loin d’elle, se trouvait un nuage d’éléments qui pouvaient être aussi petits qu’une particule jusqu’à avoir la taille de grosses météorites. C’est dans ce nuage qu’elle pouvait piocher la matière première des rêves. Ensuite, en se rapprochant de l’étoile, on avait quatre grosses planètes gazeuses. C’est là que les éléments du rêve seraient mixés. Il y avait une géante gazeuse verte, une bleue, une dorée avec des anneaux qui lui faisaient comme une couronne et une immense planète rouge pleine de tourbillons. Ces différentes atmosphères permettaient à l’étoile de donner différentes ambiances aux rêves. Des rêves d’espoir, de paix, de gloire ou de violence. Puis les rêves passaient au tamis d’une ceinture d’astéroïdes. L’étoile y faisait des tris et y ajoutait des éléments finaux grâce à la présence des mêmes éléments que dans le nuage extérieur. Enfin, au plus près d’elle, se trouvaient trois petites planètes rocheuses qui servaient de scène dans lesquelles les rêves pouvaient prendre vie. Il y avait d’abord une planète rocheuse grise et froide, puis une grande planète bleue, avec un océan unique et parsemé d’îles de toutes tailles et de toutes formes. Et au plus près d’elle-même se trouvait une planète volcanique. Les rêves qui franchissaient la ceinture d’astéroïdes atterrissaient sur l’une de ces planètes puis interagissaient les uns avec les autres dans les décors immenses et variés offerts par ces trois boules de roches. L’étoile choisissait ensuite les histoires qu’elle préférait et les envoyait vers le petit garçon en utilisant le tissu émotionnel de l’univers. Au début, les rêves étaient rares car il fallait un peu de temps pour que la machine à rêves fonctionne correctement. Mais plus le petit garçon jouait avec l’étoile et lui envoyait ses espoirs et ses craintes, plus l’étoile cernait les rêves qu’il fallait envoyer.

Tous les enfants doivent grandir. Sauf un, mais ce n’est pas le sujet. Heureusement, le petit garçon avait un naturel rêveur et toute sa vie il continua de regarder vers le ciel pour chercher le réconfort de son amie stellaire. En grandissant il prit conscience des horreurs au milieu desquelles il avait vécu seul et n’en conçut que plus d’amour envers l’étoile qui lui avait permis de traverser ces épreuves. La guerre dans son pays prit fin un jour, et le petit garçon devenu jeune homme se maria et eu des enfants. Au crépuscule de sa vie, il appela à lui ses six petits enfants et il leur montra ce petit coin de ciel vers lequel il tournait si souvent les yeux. Il raconta comment son amitié avec l’étoile lui avait permit de survivre dans un pays en proie au chaos. Il leur dit « Cette étoile m’a tout apporté, à vous maintenant d’en profiter. Tournez vos yeux vers elle dès que vous le pourrez et laissez la vous aider dans vos moments de doute. » Sur les six petits, il n’y eu qu’une petite fille pour y croire. Mais ce fut suffisant pour continuer à faire tourner la machine à rêves de l’étoile. Ainsi, de génération en génération, l’étoile fut abreuvée d’amitié et le lien interstellaire qui liait l’étoile aux enfants de cette famille ne fit que se renforcer.

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