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Le nouveau est mort, alors ils m’ont rappelé. Moi, l’ancien.

« Ça te changera » m’ont-ils dit. Ils ont troqué mon désert contre des océans, changé mes dunes en vagues et je ne vois vraiment pas la différence. La fausse immobilité du désert a laissé la place à un mouvement perpétuel tout aussi traître. Les vagues bougent tout le temps mais les océans ne se déplacent pas. Les vents soufflent tout le temps mais toujours au même endroit. Et je ne lis toujours rien dans les infinis.

Parait que des américains ont comparé l’océan à un désert avec toute la vie en dessous de la surface. Du haut de mon phare, ça me fait une belle jambe.

Tiens, les vents reprennent. J’en ai quatre ici qui se bataillent pour savoir lequel m’emmerdera le plus. Malgré cette opulence, je n’ai jamais pu savoir d’où ils viennent. Quels vents ai-je semé que je récolte telle tempête. J’aurais tant aimé pouvoir bruler les graines, tarir les sources et mettre fin à l’incessant combat pour mon attention. Mais pas de repos pour le guerrier, pas de fin, juste l’infini qui me poursuit. Comme les dunes, comme les vagues et comme les cons.

Le phare cyclopéen transperce de son œil unique la brume, la nuit, les embruns et mon ennui. Je suis personne, oublié. Pendant ce temps les quatre océans se fracassent contre les parois de granit de ma demeure. Que la secte de l’huître bleue ravale son culte : le bar des quatre vents est ici, il est ouvert à toute heure et personne n’y vient. Alors je me suis mis à l’astronomie.

Les cons stellaires veulent voir la forme de notre vie dans le tracé des étoiles. D’où je suis, le signe de la mule n’est pas visible. Alors comment fait-il pour toujours me pourrir la vie. Ceci dit, les nébuleuses bullent et les planètes planent toujours aux mêmes endroits, cycle après cycle. Comme les dunes, comme les vagues et comme les humains.

Le monde est empli de la fureur de la nature. Dire qu’elle n’utilise que deux éléments. Je n’ose imaginer le cataclysme si l’autre moitié se ruait aussi à l’assaut de ma tour.

Les horloges crient les heures qui passent et les rayons de lune perlent entre les nuages. La tempête se termine, j’essuie les gouttes de mon visage. J’ai ri à la face des quatre vents qui tourbillonnaient. Au centre du maelstrom, mes éclats n’ont fait qu’éclabousser mes ébats. On me laisse me débattre, personne ne vient me secourir au milieu de mon monde en pierre, eau et Lune.

Le Soleil se lève sur un calme plat. Le ciel est vidé de ses nuages et les océans ne sont pas plus remués par les vagues que l’air ne l’est par les vents. Les ondes radar ne sont réfléchies par aucun objet. Sous la surface de l’eau il y a certainement une furia d’enfer, mais dans mon paradis il n’y a rien. Et pourtant, il n’y a de fait rien de plus que pendant la nuit dernière. Seulement l’immobilité en mouvement donne l’illusion que le monde est rempli de vents et de vagues. C’est pourtant toujours le même air et la même eau.

Je tuais le temps. Je l’ai tant tué et pourtant il ne s’est jamais arrêté. Pas même ralenti, pas même un regard. Je voulais extraire les possibles du Néant et aujourd’hui je vois que tous les possibles ne sont que des dispositions différentes des mêmes pièces. Rien n’apparait, rien ne disparait, tout doit se transformer et rien ne change, tout doit continuer. Du même au pareil. Comme ces infinités de radios, chaines, journaux, fils qui dégobillent en continu, recyclant perpétuellement les déficiences, les absences de solutions, les incompréhensions, les grondements du peuple, les éclats des individus, les embruns des catastrophes.

Les grondements du tonnerre, les éclats de la foudre, les embruns des vagues, à l’assaut de mon phare. Et moi qui me marre.

Que l’existentialisme aille se faire foutre, et qu’il prenne l’humanisme avec lui tant qu’à faire. On est tous condamnés à être libres soit disant. Les vagues aussi semblent libres. Et pourtant entre le vent et les écueils elles finissent toutes en pierre d’étoiles sur mes rochers. A force de les regarder, je peux même prédire sur lequel de mes rochers en contrebas chaque vague va aller s’exploser. On me traitera de philosophe de comptoir. J’admets. N’ai-je pas dis par ailleurs que le bar est toujours ouvert ; mais les quatre vents n’en font qu’à leur souffle.

Souffle ma parole, fait tourner les girouettes. Change le sens des mots. A hurler contre les tempêtes je finirai bien par changer le sens des vents. Qu’ils glissent sur d’autres indifférences que la mienne. Ouvre les eaux, que je vois enfin la vie cachée sous la surface. Montre moi le sol, que je cartographie le fond des océans. Il y a des chemins à y tracer mais on ne peut construire les ponts que si on voit les failles.

J’ai trop tué le temps, trop extrait du Néant. Je voulais tout et je n’ai rien eu. Je sens le rien prendre corps partout. Je voulais l’inimaginable et je n’ai eu que son absence. La folie a laissé la place à l’efficacité. Les tempêtes et les orages ne font que remuer les mêmes riens ; les ouragans et les raz de marées n’agrègent pas plus de matière. Comme les dunes, comme les vagues et comme moi.

Les étoiles au moins ont la décence de ne pas nous tromper avec de tels faux-semblants.

Tag(s) : #Textes
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